L’œuvre de Jean-François Veillard est une immense scène de théâtre figurative qui ouvre le rideau sur la folie humaine ; l’endroit rêvé pour les micro-histoires et les mythes.
Jean-François Veillard peint à l’huile sur toile. Il dessine au préalable des croquis avant d’agencer la couleur au pinceau. Son parcours de formation lui apporte une maîtrise du savoir-faire et de la précision qu’il remet ensuite en question. « Ma peinture est expressionniste, je veux que l’on sente legeste avant tout. » L’artiste brouille ses miroirs polis et déjoue sa technique trop efficace pour saborder son talent figuratif. Il s’attache au geste plus qu’au précis, à la perspective plus qu’à la morale. C’est l’être humain, la vie, la folie de l’Homme, la chair et ses travers qui l’intéressent. Des personnages fantasques d’aujourd’hui se mêlent à des créatures surréalistes issues des fables et légendes d’hier. Un joyeux équilibre dense à lectures multiples où la réalité, la fiction et les différents niveaux de récit s’entrechoquent. On y croise Saint-Georges terrassant le dragon, Saint-Antoine succombant aux tentations, quelques auxiliaires de vie ou autres nymphes dénudées, ornées d’un appareil technologique dernier cri. La structure narrative souligne l’achronie. Elle entraîne la présence de ces personnages à la chair bouffie, parfois sanguinolente, saisis dans une situation, un lieu non identifié hors du temps. L’instance tragico-comique organise le point de vue dans un esprit Comedia del arte où le masque peut devenir l’élément récurrent. « Mes personnages sont des images que l’on voit partout. Ce sont des personnages anciens mais insérés dans le temps présent. Ils correspondent à des événements actuels et racontent une histoire à plusieurs clés. » Les individus sont presque beckettien, prisonniers de leurs conditions, exposés à la torpeur d’une menace sourde, à la fois drolatique et dramatique. Des animaux ; chiens, chimpanzés, cochons font aussi partie de la farce. Cette mise à l’épreuve frise parfois l’absurde. Les travaux de l’artiste sont des histoires bavardes, des rêves fiévreux où tout se transforme et mute. L’argument magistralement neutralisé, se laisse réapproprier par l’inconscient. Il interroge sur sa capacité presque magique de projection. Le bestiaire côtoie quelques vanités, autres témoins d’une certaine magie noire, amusée et dérisoire. La mort est montrée comme le rendez-vous de tous les vivants. Les scènes d’intérieur ouvrent sur l’extérieur par le biais d’une petite fenêtre, systématiquement présente en arrière plan. Cette porte d’accès vers le mystère, une étrangeté non cloisonnée, renforce le brouillage d’unité de temps et de lieu. Il est certain que la peinture de Jean-François Veillard est joyeuse et profonde. Elle combine librement humour, adaptation de faux sérieux et de réelle réflexion. Elle nous transporte vers une atmosphère fantastique où la déviance incite d’elle-même à transgresser le réalisme.
Publié par canoline critiks
Jean-François Veillard, les farfadets de l’effroi et du ricanement
Avec la sculpture, il remet en jeu son procédé technique tout en restant fidèle à son esthétique fantasque.
Jean-François Veillard est toujours Inspiré par le paysage de la campagne du Val de Loire où se trouve son atelier rempli de trognes. Un lieu où les formes rémanentes du conte et de la frasque s’expriment en toute liberté. Une atmosphère où le rêve se confronte à la damnation, où la quiétude contraste avec la folie humaine, où la vie se lie à la magie.
Suspendues dans un espace de liberté, les figures représentées sont des farfadets, trolls et autres lutins. Comme dans une histoire racontée aux plus jeunes, ils n’aspirent qu’à la venue d’un regard ou d’une main qui viendra leur redonner vie.